Deux mondes étaient indissociablement liés à l’hôpital Saint-Jean : le monde de la foi et celui des soins. Ce diptyque de Hans Memling montre à quel point la foi était physiquement présente pour un homme du Moyen Âge. Il possède encore son encadrement et ses charnières d’origine.
Nous sommes à Bruges. Par la fenêtre derrière l’homme en prière, on reconnaît le pont qui enjambe le Minnewater ou le Lac d’Amour. L’inscription latine en bas du panneau nous dit qui est cet homme : Maarten van Nieuwenhove a fait réaliser ce panneau en 1487. Il avait alors 23 ans. Il porte un pourpoint en velours surmonté d’une cape de fourrure noire. Ce sont des signes de prospérité : Maarten Van Nieuwenhove appartenait à une riche famille patricienne brugeoise et est même devenu bourgmestre. Sur le vitrail derrière lui, son saint protecteur, saint Martin, découpe son manteau en deux pour en offrir la moitié à un pauvre. Maarten van Nieuwenhove est mort à l’âge de 36 ans.
Dans cette même pièce d’un intérieur brugeois se trouvent Marie et Jésus, à qui Maarten adresse ses prières. Jésus prend une pomme que lui tend sa mère. Autrement dit, il accepte sa mission, qui est de mourir pour sauver l’humanité. Marie comprend visiblement que c’est le destin de son fils. À sa gauche sont représentées les armoiries et la devise de la famille Van Nieuwenhove: Il y a cause. Les quatre médaillons identiques sont sans doute aussi une référence au nom de cette famille : une main céleste sème des graines d’or sur la terre et crée ainsi un nouveau jardin, un ‘nieuwe hof’.
Avez-vous vu à gauche de Marie le miroir convexe où se reflètent la Vierge assise et Maarten agenouillé ? Comme si Memling voulait prouver qu’il y a une vraie intimité entre eux. Et que ceci est donc la réalité, et pas une vision.
Chef-d'œuvre flamand
Ce superbe diptyque peint par Hans Memling montre combien les Primitifs flamands étaient des virtuoses du rendu des matières et du réalisme. Un détail saute toutefois directement aux yeux : la tunique en velours de Maarten van Nieuwenhove. Elle ne semble plus être tout à fait comme Memling l’avait vraisemblablement voulue. Qu’est-il arrivé aux couches picturales ? La peinture est faite de divers éléments, parmi lesquels les pigments. Ce sont les matières colorantes qui donnent à la peinture sa couleur, et qui peuvent être produites à partir de différents matériaux : de la terre (ocre, terre d’ombre), des pierres (lapis-lazuli, azurite), des animaux (cochenille, parfois même des momies égyptiennes !) et des plantes (garance). Certains pigments peuvent aussi être issus de réactions chimiques (blanc de plomb, vert-de-gris). Les artistes devaient parfaitement connaître les propriétés de ces pigments et savoir comment en faire de la peinture. Ils ne pouvaient toutefois pas toujours prévoir la durée de vie de certains pigments, surtout organiques. Au fil des siècles, certaines couches picturales ont en effet changé de couleur ou ont carrément disparu. Ceci peut parfois modifier considérablement l’aspect d’un tableau, comme c’est le cas pour le Diptyque de Maarten van Nieuwenhove.